Les chiffres n’aiment pas la Normandie : à peine 1700 heures de soleil par an, loin derrière la Provence. Pourtant, c’est là, dans cette terre discrète et battue par les vents, que des villes parient fort sur l’énergie solaire. Les aides publiques arrivent en renfort, mais loin de suffire : des municipalités jouent la carte du financement participatif pour concrétiser leurs ambitions.
Le photovoltaïque avance à vive allure sur le territoire normand, bien que le rendement ne batte aucun record et que chaque vague apporte son lot d’obstacles techniques. Cette dynamique étonne, interroge aussi : tiendra-t-elle sur la durée ? Est-ce un vrai projet partagé, ou une impulsion portée par quelques pionniers ? Au fond, c’est la capacité des villes normandes à refaçonner leur modèle énergétique qui se joue là, collectivement.
La Normandie face au défi de la transition énergétique
Dans le vaste paysage de l’énergie française, la Normandie sort du lot par son éclectisme : nucléaire, hydraulique, éolienne, et désormais le solaire trouvent leur place. Malgré ces efforts, la France n’a pas atteint la part de 23 % d’énergies renouvelables fixée pour 2020 par l’Union européenne. Dernier rappel à l’ordre : la Commission européenne élève le seuil à 42,5 % à l’horizon 2030. Pour tous, l’heure n’est plus à la tergiversation.
Face à cette échéance, la région Normandie se réinvente. Projets pilotes, accompagnement sur mesure et pilotage serré de la filière par Normandie Energies marquent le terrain. Au large, les parcs éoliens de Fécamp, Dieppe-Le Tréport ou Courseulles-sur-Mer changent le profil de la côte. Côté terres, la biomasse irrigue les champs grâce à Métha’Normandie ou Biomasse Normandie, diversifiant l’approvisionnement.
Les acteurs locaux ne se contentent plus de suivre les directives. Collectivités, entreprises et associations se retroussent les manches. La pose de panneaux solaires devient monnaie courante sur les écoles, mairies et friches industrielles. Ce déploiement, appuyé par l’ADEME et la chambre régionale d’agriculture, donne naissance à des communautés énergétiques et encourage une consommation d’électricité de proximité. L’autoconsommation s’ancre dans les pratiques, favorisant aussi la montée en compétences des professionnels normands.
La région n’a rien d’une carte postale figée. Les défis à relever sont costauds, mais l’énergie collective s’organise : exigences européennes, besoins locaux et expérimentations de terrain façonnent une nouvelle ère. Ici, impossible d’avancer sans créer du collectif, ni sans impliquer tous les habitants.
Quels projets solaires transforment aujourd’hui les villes normandes ?
À Malaunay, dans la métropole rouennaise, la transition écologique est une ligne d’action plutôt qu’un mot lancé en l’air. Depuis 2012, sous l’impulsion de Guillaume Coutey, la municipalité a investi plus de 18 millions d’euros. Sur les écoles, les équipements sportifs et les bâtiments communaux, les panneaux solaires poussent comme autant de signes visibles du changement. Aujourd’hui, 39 % des besoins électriques de la commune s’appuient sur le solaire, et 62 % de la chaleur consommée vient des énergies renouvelables. À Malaunay, 75 % de l’électricité produite est utilisée sur place grâce à l’autoconsommation collective et la rénovation énergétique.
Le Calvados n’est pas en reste, et la centrale photovoltaïque d’Esquay-sur-Seulles en est la preuve concrète. Menée par Bruno Russeil, l’installation injecte chaque année 6,5 GWh sur le réseau, soit de quoi couvrir 3 000 personnes et éviter 187 tonnes de CO₂. À Colombelles, Surdon, Livarot, la transformation s’accélère aussi : l’installation de panneaux solaires sur friches ou bâtiments publics devient une priorité pour réinventer le patrimoine communal.
Pour mesurer l’effet de cette effervescence, voici quelques faits marquants :
- La dépense énergétique des bâtiments publics à Malaunay a diminué de 36 % entre 2012 et 2024.
- À la cantine, 80 % des produits servis sont désormais bio ou achetés en circuit court.
- Des communes testent la mise en place d’une communauté énergétique citoyenne, mutualisant moyens et compétences pour la gestion du solaire.
Petit à petit, le solaire prend toute sa place au cœur du quotidien urbain. Les projets fédèrent : élus, habitants, entrepreneurs et associations convergent pour sortir d’une dépendance et ouvrir l’horizon de l’autonomie énergétique.
Financement participatif et engagement citoyen : des leviers pour accélérer la transition locale
En Normandie, le financement participatif n’est plus un slogan. Soutenus par la région Normandie, de nombreux élus font le pari d’impliquer directement les habitants dans le développement des projets d’énergies renouvelables. Malaunay réfléchit sérieusement à la mise en place d’une communauté énergétique citoyenne, pour réunir riverains, élus et partenaires autour d’une gestion partagée de l’électricité solaire, locale et accessible.
La dynamique s’intensifie, portée par des collectifs comme ECLORE, animé par la SCIC Les 7 Vents avec l’appui de la région. Ces réseaux accompagnent les projets, partagent retours d’expérience et outils, et mettent la gouvernance partagée au centre. Ici, les citoyens ne sont plus de simples financeurs, mais deviennent partie prenante des choix stratégiques qui façonneront l’avenir énergétique du territoire.
Pour saisir la diversité de ces initiatives, citons quelques dispositifs collaboratifs :
- Des campagnes d’épargne locale rendent possibles l’équipement solaire de bâtiments publics.
- À Malaunay, un partenariat avec Enercoop permet de valoriser l’électricité produite, fermant la boucle entre production locale et utilisation concrète.
- Des réseaux régionaux spécialisés conseillent les habitants tout au long du montage des projets collectifs.
L’engagement citoyen s’exprime désormais bien au-delà de l’apport financier. Prendre part aux décisions, expliquer, rassembler autour d’une cause qui dépasse la simple production d’électricité : tout cela donne une autre ampleur à la transition énergétique normande. Ici, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice commun.
La Normandie, longtemps discrète sur la carte du solaire, s’affirme, portée par la participation des citoyens et l’audace des collectivités. Même quand le soleil se fait rare, l’énergie collective finit par illuminer le paysage. La suite ? Elle s’écrira à plusieurs voix, toujours plus nombreuses et décidées à faire progresser leur propre révolution énergétique.

